Il faut savoir mettre les mains dans le compost

Depuis le début de notre squat, et de plus en plus souvent, nous recevons des demandes intrusives de personnes qui soit ne savent pas ce que c’est qu’un squat, soit n’ont pas pris la peine de lire notre présentation sur notre site : demandes d’interviews de journalistes curieuxses ; sollicitations d’étudiant-e-s en mal de sujets de recherches originaux pour avoir une bonne note ; des personnes qui veulent venir « observer » l’organisation anarchaféministe d’un squat pour la recopier ailleurs mais en la rendant « acceptable », « confortable » et bourgeoise ;  des personnes qui veulent « visiter » la Pigeonne comme si nous étions une auberge de jeunesse pour touristes militant-e-s. 


Même si ces initiatives partent de « bons sentiments », nous gerbons ces sentiments. Nous ne sommes pas des sujets d’étude « anthropo-sociologiques » ou des terrains d’enquête. Nous ne cherchons pas à « sauver des femmes et des personnes LGBTI+++ » et à recevoir des médailles. Nous n’éprouvons aucun plaisir sacrificiel à effectuer du travail gratuit pour des bourgeois-e-s en mal d’expérience « atypique ». Nous n’avons pas besoin de voyeurs et voyeuses, de personnes qui regardent nos initiatives depuis une position surplombante ou exotisante sans jamais participer à la vie de ce lieu essentiel. 


Nous sommes épuisé-e-s et en colère face à un contexte politique d’exploitation et un pouvoir fasciste dont les dangers ne semblent pas être mesurés.  Le futur est incertain, mais nous sommes convaincu-e-s que nous n’en aurons aucun si nous sommes isolé-e-s et demeurons la proie des patrons, des proprios et des patriarches. Malgré des constats alarmants, nous sommes fatigué-e-s de constater que certains mécanismes perdurent.Nous sommes certes un « lieu alternatif », mais surtout un lieu en opposition au fonctionnement d’une société qui cherche à faire du profit. Et notamment du profit sur les initiatives « radicales » pour s’enrichir ou nourrir la gloriole personnelle. Nous n’avons pas leur temps. Leur agenda ne nous intéresse pas. Nous avons faim d’organisation collective en dehors de l’idéologie libérale.


Dans une société qui s’effondre, nous avons toustes besoin de transformer notre rapport au monde : en changeant notre façon de consommer, de produire et de créer des liens. Nous avons besoins que tout le monde participe au travail de soin et de régénération. Ce n’est pas possible de continuer à vampiriser les idées et les énergies des lieux précaires. Nous avons besoin de consolider des endroits qui expérimentent le changement en étant à la fois des espaces de résistance mais aussi des lieux ressources et des lieux de repos. Nous avons besoin de les multiplier et de les mettre en réseaux, pas d’en faire de pâles copies utiles au système et mises en concurrence.


S’impliquer dans une utopie, ce n’est pas la consommer ni se contenter de faire de la « charité ». Notre compost est bien joli, mais nous ne sommes pas la poubelle du monde capitaliste. Nous supportons déjà une bonne charge écologique en soignant, en triant, en réparant, en récupérant et en jetant à la place des industriels ou des ménages riches. 
Il est essentiel de se sentir impliqué-e-s dans le changement et non de regarder les autres le faire. Il est nécessaire de créer une vraie entraide, de véritables échanges d’expériences, d’idées, de savoir-faire et d’actions en partant de nos expériences directes, de choses matérielles, et tout ça à double sens. Un exemple concret : si tu donnes des vêtements au freeshop de La Pigeonne, viens les ranger et prends-en aussi ! Car l’idée ce n’est pas de débarrasser ton armoire et ta conscience, mais de faire tourner les biens déjà produits, les revaloriser, au lieu de consommer et nourrir la machine capitaliste. C’est un petit pas pour changer en profondeur les systèmes d’exploitation et de consommation des ressources.


Notre bibliothèque autogérée féministe, queer et décoloniale est là pour s’autoformer politiquement, se nourrir des pensées et des pratiques. Nous ne voulons pas être utilisé-e-s par des personnes qui veulent exploiter ces ressources pour avoir l’air « inclusives » et « conscientisées », pour avoir le bon vocabulaire et les « bonnes » références subversives, sans jamais changer leurs façons de faire et la société dans son ensemble. Tout ça en laissant 3 centimes dans le pot commun. Les livres et les zines ne sortent pas tout frais du compost, il y a du travail et des dépenses derrière. 


La Pigeonne critique en actes les systèmes d’exploitation. Ces critiques ne concernent pas que les « pauvres », les « marginales » et les « marginaux », les « déviant-e-s ». Les idées écologiques, décoloniales, féministes, queers et anticapitalistes profitent à toute la société. Et ce ne sont pas que des théories. Nous théorisons en partant de nos vécus et de nos besoins. Ces besoins sont immenses et multiples comme ils sont urgents. Nous n’avons pas la science infuse ni les réponses à toutes les questions. Nous expérimentons. Les nouvelles énergies sont les bienvenues. 


La Pigeonne est devenue pour beaucoup un lieu de ressources et un refuge face à la violence et l’absurdité de notre société. Alors même que le premier réflexe des un.e.s et des autres est de se retrancher dans la nation, ou dans un bunker en choisissant l’individualisme ou le déni. Nous sommes ailleurs. Nous maintenons un lieu collectif, précaire, illégal et nécessaire qui repose sur des énergies et des corps fragilisés. Nous aussi nous connaissons la peur, la maladie, la pauvreté et l’anxiété. Si tu viens, demande-toi ce que tu peux apporter, comment tu peux contribuer et pas uniquement ce que tu peux prendre. Nous remercions les personnes qui apportent une aide précieuse en participant aux ateliers, aux chantiers, qui profitent de l’espace pour partager des savoirs, transmettre leurs expériences, filer des ressources matérielles, comme celleux qui font des dons réguliers. Cet endroit est aussi le leur.


Si notre coup de gueule te met dans l’inconfort, tant mieux. Nous partons de situations inconfortables et souvent conflictuelles pour transformer nos relations. Ce n’est pas de culpabilité dont nous avons besoin, mais de vulnérabilité partagée et de prise de responsabilité pour agir et avoir un impact à long terme sur notre environnement. Les espaces que nous créons sont divers, parfois festifs, intimistes, littéraires, artistiques, pratico-pratiques, communautaires ou désordonnés. Nous serions ravi-e-s que tu participes à leur création en proposant des choses folles ou simples qui te nourrissent et sont susceptibles de plaire à d’autres. 


En termes de besoins (bien qu’ils soient immenses), si tu n’as pas d’idée, on partage une liste courte et non exhaustive :    

  • du papier pour les impressions (des zines, des zines, des zines!)   
  • des bras pour porter des trucs lourds et arranger les espaces   
  • de la bouffe et des maillots de bain   
  • des envies d’ateliers, de lectures collectives, de discussions, de sport ou yoga 
  • rendez les livres que vous avez emprunté à la bibliothèque svp   
  • fabriquer un portail en bois  
  • aides administratives
  • des gars bien à marier 
  • deux reins 
  • on organise aussi des mariages  
  • des souris pour le chat

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