Il faut savoir mettre les mains dans le compost

Depuis le début de notre squat, et de plus en plus souvent, nous recevons des demandes intrusives de personnes qui soit ne savent pas ce que c’est qu’un squat, soit n’ont pas pris la peine de lire notre présentation sur notre site : demandes d’interviews de journalistes curieuxses ; sollicitations d’étudiant-e-s en mal de sujets de recherches originaux pour avoir une bonne note ; des personnes qui veulent venir « observer » l’organisation anarchaféministe d’un squat pour la recopier ailleurs mais en la rendant « acceptable », « confortable » et bourgeoise ;  des personnes qui veulent « visiter » la Pigeonne comme si nous étions une auberge de jeunesse pour touristes militant-e-s. 


Même si ces initiatives partent de « bons sentiments », nous gerbons ces sentiments. Nous ne sommes pas des sujets d’étude « anthropo-sociologiques » ou des terrains d’enquête. Nous ne cherchons pas à « sauver des femmes et des personnes LGBTI+++ » et à recevoir des médailles. Nous n’éprouvons aucun plaisir sacrificiel à effectuer du travail gratuit pour des bourgeois-e-s en mal d’expérience « atypique ». Nous n’avons pas besoin de voyeurs et voyeuses, de personnes qui regardent nos initiatives depuis une position surplombante ou exotisante sans jamais participer à la vie de ce lieu essentiel. 


Nous sommes épuisé-e-s et en colère face à un contexte politique d’exploitation et un pouvoir fasciste dont les dangers ne semblent pas être mesurés.  Le futur est incertain, mais nous sommes convaincu-e-s que nous n’en aurons aucun si nous sommes isolé-e-s et demeurons la proie des patrons, des proprios et des patriarches. Malgré des constats alarmants, nous sommes fatigué-e-s de constater que certains mécanismes perdurent.Nous sommes certes un « lieu alternatif », mais surtout un lieu en opposition au fonctionnement d’une société qui cherche à faire du profit. Et notamment du profit sur les initiatives « radicales » pour s’enrichir ou nourrir la gloriole personnelle. Nous n’avons pas leur temps. Leur agenda ne nous intéresse pas. Nous avons faim d’organisation collective en dehors de l’idéologie libérale.


Dans une société qui s’effondre, nous avons toustes besoin de transformer notre rapport au monde : en changeant notre façon de consommer, de produire et de créer des liens. Nous avons besoins que tout le monde participe au travail de soin et de régénération. Ce n’est pas possible de continuer à vampiriser les idées et les énergies des lieux précaires. Nous avons besoin de consolider des endroits qui expérimentent le changement en étant à la fois des espaces de résistance mais aussi des lieux ressources et des lieux de repos. Nous avons besoin de les multiplier et de les mettre en réseaux, pas d’en faire de pâles copies utiles au système et mises en concurrence.


S’impliquer dans une utopie, ce n’est pas la consommer ni se contenter de faire de la « charité ». Notre compost est bien joli, mais nous ne sommes pas la poubelle du monde capitaliste. Nous supportons déjà une bonne charge écologique en soignant, en triant, en réparant, en récupérant et en jetant à la place des industriels ou des ménages riches. 
Il est essentiel de se sentir impliqué-e-s dans le changement et non de regarder les autres le faire. Il est nécessaire de créer une vraie entraide, de véritables échanges d’expériences, d’idées, de savoir-faire et d’actions en partant de nos expériences directes, de choses matérielles, et tout ça à double sens. Un exemple concret : si tu donnes des vêtements au freeshop de La Pigeonne, viens les ranger et prends-en aussi ! Car l’idée ce n’est pas de débarrasser ton armoire et ta conscience, mais de faire tourner les biens déjà produits, les revaloriser, au lieu de consommer et nourrir la machine capitaliste. C’est un petit pas pour changer en profondeur les systèmes d’exploitation et de consommation des ressources.


Notre bibliothèque autogérée féministe, queer et décoloniale est là pour s’autoformer politiquement, se nourrir des pensées et des pratiques. Nous ne voulons pas être utilisé-e-s par des personnes qui veulent exploiter ces ressources pour avoir l’air « inclusives » et « conscientisées », pour avoir le bon vocabulaire et les « bonnes » références subversives, sans jamais changer leurs façons de faire et la société dans son ensemble. Tout ça en laissant 3 centimes dans le pot commun. Les livres et les zines ne sortent pas tout frais du compost, il y a du travail et des dépenses derrière. 


La Pigeonne critique en actes les systèmes d’exploitation. Ces critiques ne concernent pas que les « pauvres », les « marginales » et les « marginaux », les « déviant-e-s ». Les idées écologiques, décoloniales, féministes, queers et anticapitalistes profitent à toute la société. Et ce ne sont pas que des théories. Nous théorisons en partant de nos vécus et de nos besoins. Ces besoins sont immenses et multiples comme ils sont urgents. Nous n’avons pas la science infuse ni les réponses à toutes les questions. Nous expérimentons. Les nouvelles énergies sont les bienvenues. 


La Pigeonne est devenue pour beaucoup un lieu de ressources et un refuge face à la violence et l’absurdité de notre société. Alors même que le premier réflexe des un.e.s et des autres est de se retrancher dans la nation, ou dans un bunker en choisissant l’individualisme ou le déni. Nous sommes ailleurs. Nous maintenons un lieu collectif, précaire, illégal et nécessaire qui repose sur des énergies et des corps fragilisés. Nous aussi nous connaissons la peur, la maladie, la pauvreté et l’anxiété. Si tu viens, demande-toi ce que tu peux apporter, comment tu peux contribuer et pas uniquement ce que tu peux prendre. Nous remercions les personnes qui apportent une aide précieuse en participant aux ateliers, aux chantiers, qui profitent de l’espace pour partager des savoirs, transmettre leurs expériences, filer des ressources matérielles, comme celleux qui font des dons réguliers. Cet endroit est aussi le leur.


Si notre coup de gueule te met dans l’inconfort, tant mieux. Nous partons de situations inconfortables et souvent conflictuelles pour transformer nos relations. Ce n’est pas de culpabilité dont nous avons besoin, mais de vulnérabilité partagée et de prise de responsabilité pour agir et avoir un impact à long terme sur notre environnement. Les espaces que nous créons sont divers, parfois festifs, intimistes, littéraires, artistiques, pratico-pratiques, communautaires ou désordonnés. Nous serions ravi-e-s que tu participes à leur création en proposant des choses folles ou simples qui te nourrissent et sont susceptibles de plaire à d’autres. 


En termes de besoins (bien qu’ils soient immenses), si tu n’as pas d’idée, on partage une liste courte et non exhaustive :    

  • du papier pour les impressions (des zines, des zines, des zines!)   
  • des bras pour porter des trucs lourds et arranger les espaces   
  • de la bouffe et des maillots de bain   
  • des envies d’ateliers, de lectures collectives, de discussions, de sport ou yoga 
  • rendez les livres que vous avez emprunté à la bibliothèque svp   
  • fabriquer un portail en bois  
  • aides administratives
  • des gars bien à marier 
  • deux reins 
  • on organise aussi des mariages  
  • des souris pour le chat

Chantier féministe: four à pizzas!

C’est quoi un chantier féministe?
C’est un espace en mixité choisie sans gars cis reulou qui t’explique la vie, mystifie des connaissances pratiques ou monopolise les outils. Notre but en tant qu’espace anticapitaliste est de partager des savoirs pratiques et utiles qui permettent l’autonomie dans un cadre non-hiérarchique. Nous avons déjà organisé plusieurs chantiers en 2 ans, sans forcément communiquer autour. On privilégie les matériaux naturels qui ont peu d’impact sur le vivant, se récupèrent ou coûtent peu cher.

Hier on avait envie de bonnes pizzas et on aime bien faire du pain, aussi on n’a pas de four, donc on s’est lancé dans la construction d’un four à bois. On a récupéré des palettes, des briques réfractaires, de la terre, de la paille, du sable, du papier et on s’est beaucoup amusé! Résultat final très bientôt!

Si tu as des envies ou des idées de chantier, n’hésite pas à nous écrire!

Agenda – bibli Marsha P. Johnson

Comme tous les premiers lundi du mois (depuis 1 mois ^^), la prochaine
réunion du club de lectures de la bibliothèque Marsha P. Johnson à
Strasbourg aura lieu ce lundi 4 juillet de 18h à 20h !

L’idée c’est de se retrouver avec ou sans bouquin pour échanger sur des
lectures qui nous ont marqué, en bien ou en mal, que ce soit des essais
ou de la fiction… Tout support est bienvenu ! Selon les envies, on
peut aussi lire/écrire/imprimer des fiches de lecture.

Bref, rendez-vous au 25 rue des Pigeons, de 18h à 20h. Si vous voulez
ramener à boire ou à manger, c’est toujours sympa ! Pensez aussi au prix
libre pour soutenir le squat et la bibli 😉

Sinon, prochaine permanence de la bibliothèque le mardi 26/07 de 18h à
20h, comme tous les derniers mardi du mois !

AG de la Pigeonne – Viens échanger et proposer des projets au squat!

Viens échanger et proposer des projets au squat La Pigeonne! Le lieu est très sympa et propice à plein de belles choses:

  • des discussions à la bibliothèque au sujet d’un livre qui t’a plu
  • des arpentages pour faciliter la compréhension des livres complexes
  • des projections de docus, de films
  • des cantines solidaires parce que c’est toujours sympa de se retrouver autour d’un bon repas
  • des chantiers collectifs pour s’approprier l’univers des outils, du bricolage ensemble et sans jugement (réparer un vélo, planter du romarin, fabriquer des meubles etc…)
  • des ateliers créatifs (couture, broderie, peinture…)
    Ici, il y a de quoi faire, on attend plus que toi!

Atelier d’écriture collective DIMANCHE 24 AVRIL 2022

Ouverture de la bibliothèque à 13h /// Début de l’atelier à 14h /// Fermeture à 18h

La Bibliothèque Marsha P. Johnson vous invite à un atelier d’écriture collective avec Les Aggloméré·e·s.

« Subtil Béton est le fruit d’un travail entamé en 2007. Pendant quinze années, nous nous sommes regroupé·e·s en ateliers d’écriture féministes pour explorer par la fiction les univers collectifs de nos quotidiens, lieux de lutte et de vie autogestionnaires. Au fil des rencontres, le collectif a croisé la route de près d’une cinquantaine de personnes qui ont ponctuellement contribué à façonner ce roman d’anticipation, aggloméré et choral. »

Il y aura du bissap pour se désaltérer, du thé et du café. Le freeshop sera ouvert si vous avez besoin de vêtements. Et bien sûr, vous trouverez aussi des zines à prix libre et des livres à emprunter !

L’atelier est en non-mixité sans homme cis. Pensez à apporter de quoi écrire (on mettra aussi à disposition du papier, des stylos et des feutres si besoin).

Prix libre et conscient en fonction de vos moyens (ps : on ne prend pas la carte).

PS : nos événements ne sont pas gratuits parce qu’on doit défrayer nos invité·e·s, acheter du matos pour le fonctionnement de la bibliothèque, payer la nourriture qu’on n’a pas pu récupérer pour préparer les repas, faire des travaux dans la maison, etc. On ne capitalise pas sur la bibliothèque, on essaie simplement de ne pas tout payer de notre poche (La Pigeonne n’est pas riche et privilégiée). Si vous n’avez pas beaucoup de thunes (ou pas du tout), on comprend et on souhaite que vous puissiez venir aussi. Mais que celleux qui en ont les moyens ne soient pas radin·e·s, c’est aussi une manière de redistribuer l’argent.

DIMANCHE 27 MARS – OUVERTURE DE LA BIBLIOTHÈQUE MARSHA P. JOHNSON AUTOGÉRÉE, FÉMINISTE, QUEER, ANTIRACISTE

Viens nous rencontrer et emprunter des livres!

Parce que les ressources féministes, queers et antiracistes sont rares, tu trouveras à la bibliothèque Marsha P. Johnson des livres, des zines, des DVD à emprunter, ou encore des trucs DIY, un freeshop. C’est un espace de rencontre, d’échange et de solidarité, un espace où trouver de la force, où nourrir tes rages, tes luttes et tes désirs.

La Pigeonne est le squat anarcha-féministe, queer et antiraciste de Strasbourg. C’est un lieu d’habitation et d’activité autogéré, par et pour les femmes et les personnes queers, en mixité choisie sans hommes cisgenres.

* Adhésion à la bibliothèque nécessaire pour emprunter (à prix libre).

* Zines, nourritures et objets DIY à prix libre.

Infos: lapigeonne[at]riseup.net

https://lapigeonne.squat.net/


https://lapigeonne.squat.net/

Rest’eau pirate – 20 mars

Les anarchistes russes sur l’invasion de l’Ukraine

De CrimethInc.

Alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie se poursuit,les anarchistes continuent de se mobiliser sur tout le territoire russe, aux côtés de milliers d’autres personnes, contre la guerre. Nous publions ici les communiqués de deux organisations anarchistes russes de longue date, qui proposent une analyse de la situation en Russie et de la façon dont l’invasion de l’Ukraine pourrait la modifier.

Plusieurs manifestations sont prévues en Russie pour demain (dimanche 27 février). Nous attendons toujours des nouvelles de nos contacts en Ukraine, que nous publierons dès leur arrivée.

Au cours de l’invasion la Russie est devenue un champ de bataille dans la guerre de l’information. Le gouvernement russe a tenté de bloquer l’accès à Twitter pour que les Russes ne puissent pas voir ce qui se passe en Ukraine, ou dans le reste de la Russie. De l’autre côté des barricades, le site internet du Kremlin a été piraté. Que les Russes soutiennent cette invasion qui leur coûte beaucoup, ou qu’iels s’opposent à Poutine malgré les risques, sera sans doute déterminant pour les événements en Ukraine à long terme.

« La paix est le privilège réservé à ceux qui ont les moyens de ne pas se battre dans les guerres qu’ils créent – aux yeux des fous nous ne sommes que des chiffres sur un graphique, des obstacles sur leur chemin vers la domination du monde. »

-Tragedy, “Eyes of Madness

Des actions de solidarité se poursuivent aujourd’hui en Allemagne, en Suisse et ailleurs dans le monde.

La position du Militant Anarchiste sur l’attaque de la Russie contre l’Ukraine

Le communiqué suivant a été publié hier sur le canal Telegram du *Militant Anarchiste [Боец Анархист], un collectif anarchiste russe dont nous avions précédemment traduit le nom par « Anarchist Fighter ».*

Notre position sur les événements qui se déroulent en Ukraine est clairement indiquée dans nos posts précédents. Cependant, nous il nous apparaît nécessaire de l’exprimer explicitement, pour ne pas laisser de place au non-dit.

Nous, le collectif Militant Anarchiste, ne sommes en aucun cas des soutiens de l’État ukrainien. Nous l’avons critiqué à de nombreuses reprises et avons par le passé soutenu celles et ceux qui s’y sont opposé·es. Nous avons également été la cause d’une opération de police contre l’opérateur téléphonique VirtualSim, menée par les services de sécurité ukrainiens dans l’espoir de nous combattre.1

Et nous reviendrons sans aucun doute à cette politique dans le futur, quand la menace de la conquête russe se sera éloignée. Tous les États sont des camps de concentrations.

Cependant ce qui est en train de se passer en Ukraine dépasse largement cette formule, et le principe selon lequel tout·e anarchiste devrait lutter pour la défaite de son pays.

Car il ne s’agit pas simplement d’une guerre entre puissances relativement égales, portant sur la redistribution des zones d’influence du capital, et dans laquelle nous pourrions appliquer l’axiome d’Eskobar.2

Ce qui se passe actuellement en Ukraine est un acte d’agression impérialiste : une agression qui, si elle réussit, mènera au déclin de la liberté partout – que ça soit en Ukraine, en Russie et peut-être même dans d’autres pays. Elle rend aussi plus importante la probabilité que la guerre se poursuive et que l’on assiste à une escalade vers une guerre mondiale.

De notre point de vue, cette analyse est évidente en ce qui concerne l’Ukraine. Mais en Russie, une petite guerre victorieuse (ainsi que des sanctions extérieures) fournira au régime ce dont il manque actuellement. Elle lui donnera carte blanche du fait de la poussée patriotique qu’elle ne manquera pas de déclencher chez une partie de la population. Et l’État russe pourra également faire reposer tous les problèmes économiques sur le compte des sanctions et de la guerre.

Dans la situation actuelle, la défaite de la Russie augmenterait la probabilité que les gens se soulèvent, comme cela s’est produit en 1905, ou en 1917 [quand les difficultés de la Russie lors de la Première Guerre mondiale ont conduit à la révolution], et ouvrent les yeux sur ce qui est en train de se passer dans le pays.

Quant à l’Ukraine, sa victoire paverait la voie à un renforcement de la démocratie directe, car si elle advient, ça ne peut-être que grâce à l’auto-organisation populaire, l’entraide et la résistance collective. Ce sont les réponses à apporter aux défis que la guerre impose à la société.

En outre, les structures crées pour mettre en place ces formes d’auto-organisations ne disparaîtront pas une fois la guerre terminée.

Bien sûr, la victoire ne réglera pas les problèmes de la société ukrainienne, ils devront être résolus en profitant des opportunités qui s’ouvriront dans l’instabilité que connaîtra nécessairement le régime après de tels bouleversements. Cependant, la défaite ne résoudra pas les problèmes non plus, mais au contraire les exacerbera encore plus.

Bien que toutes ces raisons – que nous appellerons géopolitiques – soient importantes dans notre décision de soutenir l’Ukraine dans ce conflit, ce ne sont pas les raisons principales. Les plus importantes sont des raisons morales internes : la simple vérité est que la Russie est l’agresseur et qu’elle mène une politique ouvertement fasciste. Elle appelle la guerre la paix. La Russie ment et tue.

À cause de ses actions agressives, des gens souffrent et meurent dans les deux camps. Et oui, même les soldat·es sont broyé·es par cette machine de guerre (par compte nous ne comptons pas les ordures pour qui « la guerre est naturelle », qu’il est pour nous difficile de continuer à qualifier de « personnes »). Et tout cela continuera jusqu’à ce qu’on y mette fin.

C’est pourquoi nous demandons instamment à toutes celles et ceux qui lisent ces lignes et ne sont pas insensibles, à faire preuve de solidarité avec le peuple ukrainien (et pas avec l’État !!!) et de soutenir leur lutte pour la liberté contre la tyrannie de Poutine.

Il nous faut vivre une époque historique. Faisons en sorte que cette page d’histoire ne soit pas honteuse, mais que nous puissions en être fièr·es.

Liberté pour les peuples du monde ! La paix au peuple d’Ukraine ! Non à l’agression de Poutine ! Non à la guerre !

Des manifestant·es anti-guerre défilent avec une bannière à Moscou. Les anarchistes ont défilé à plusieurs reprises avec cette bannière dans la nuit du 24 février. Selon les informations recueillies, même après que la police ait dispersé la manifestation principale et procédé à de nombreuses arrestations, les anarchistes se sont regroupé·es et ont recommencé à défiler jusqu’à ce que la police les charge et les arrête. Le courage dont ont fait preuve les manifestant·es en Russie est une leçon d’humilité.

But what is happening now in Ukraine goes beyond this simple formula, and the principle that every anarchist should fight for the defeat of their country in war.


Le crépuscule avant l’aube

Le texte suivant a été publié aujourd’hui sous la forme d’un podcast en russe sur le site web d’Action Autonome.

Guerre

Jeudi matin, Poutine a lancé la plus grande guerre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Il se cache derrière les prétendus intérêts de la partie séparatiste du Donbass, même si la RPD et la RPL étaient déjà absolument satisfaites de leur reconnaissance en tant qu’États indépendants, de l’entrée officielle de l’armée russe sur le territoire et de la promesse d’un financement à hauteur d’1,5 milliard de roubles. Rappelons également que depuis de nombreux mois, le coût des loyers et le prix des denrées alimentaires augmentent de jour en jour en Russie.

Le Kremlin a formulé des demandes absurdes aux autorités de Kiev, à commencer par la « dénazification ». Il est vrai que, grâce à sa participation active aux manifestations de Maïdan en 2014, l’extrême-droite ukrainienne s’est assurée une position disproportionnée dans les institutions politiques et les forces de l’ordre. Mais dans toutes les élections en Ukraine depuis 2014, ils n’ont pas obtenu plus de quelques pourcentages des voix. Le président de l’Ukraine est juif. Le problème de l’extrême-droite en Ukraine doit être résolu, mais pas par des chars russes. Les autres accusations du Kremlin à l’encontre de l’Ukraine – corruption, fraude électorale et justice aux ordres – seraient bien plus appropriées pour parler du régime de Poutine lui-même. Aujourd’hui, les soldat·es russes sont, au sens premier du terme, des occupant·es d’un pays étranger, même si cela contredit les attentes de toutes celles et ceux qui ont grandi avec les récits de la Grande Guerre patriotique.

La Russie s’est retrouvée isolée au niveau international. [Le président turc Recep Tayyip] Erdoğan, [le secrétaire général du Parti Communiste chinois] Xi Jinping, et même les talibans demandent à Poutine de cesser les hostilités. L’Europe et les États-Unis imposent chaque jour de nouvelles sanctions à la Russie.

Au moment où nous préparons ce texte, le troisième jour de la guerre approche. L’armée russe est nettement supérieure à l’armée ukrainienne, mais la guerre ne semble pas se dérouler exactement selon le plan de Poutine. Ce dernier comptait apparemment sur une victoire en un ou deux jours, avec très peu de résistance, voire aucune, mais de sérieux combats ont eu lieu sur tout le territoire ukrainien.

Les Russes et le monde entier regardent en ce moment-même des vidéos montrant des bombes frappant des immeubles résidentiels, un véhicule blindé écrasant une personne âgée, des cadavres et des fusillades.

Roskomnadzor [le service fédéral du gouvernement russe chargé de la supervision des communications, des technologies de l’information et des médias] tente encore de menacer tout Internet, en exigeant : « N’appelez pas cela une guerre, mais une opération spéciale. » Mais peu de gens le prennent encore au sérieux désormais. Tant qu’Internet n’est pas entièrement coupé en Russie, il y aura suffisamment de sources d’information. Au cas où, nous vous recommandons une fois de plus de configurer à l’avance Tor avec passerelles, un VPN, et Psiphon.

Les effets des sanctions et de la guerre commencent tout juste à se faire sentir en Russie. À Moscou, la plupart des distributeurs de billets étaient à court de billets vendredi. Pourquoi ? Parce que la veille, les gens ont retiré 111 milliards de roubles des banques : en fait, toutes leurs économies. Le marché de l’immobilier s’est effondré alors que la construction de bâtiments résidentiels est la branche la plus importante de l’économie russe. L’industrie automobile étrangère cesse progressivement d’expédier des voitures en Russie. Les taux de change du dollar et de l’euro sont artificiellement maintenus par la Banque Centrale. Les actions de toutes les entreprises russes ont sévèrement chuté. Tout le monde comprend que la situation ne peut que s’empirer.

La police anti-émeute russe arrête une manifestante. On peut lire sur son masque « Non à la guerre ».
Seul Poutine a besoin de ça

La réaction russe à la guerre en Ukraine est complètement différente de ce qui s’était passé en 2014 [quand la Russie s’était emparée de la Crimée après la révolution ukrainienne]. De nombreuses personnes, y compris des personnalités qui travaillaient pour le gouvernement, demandent la fin immédiate de la guerre. Le renvoi d’Ivan Urgant, la principale vedette de la télévision russe, est en ce sens remarquable.

La grande majorité de celles et ceux qui soutiennent encore Poutine est également contre la guerre. Le supporter moyen de Poutine croit maintenant que tout a été calculé, que la guerre ne va pas s’éterniser et que l’économie russe va survivre. Car oui, il n’est pas simple de reconnaître que son pays est dirigé par un dérangé, par un Don Quichotte qui contrôle une armée d’un million de soldat·es, l’une des plus puissantes du monde, un Don Quichotte qui dispose de l’arme nucléaire, capable de détruire l’humanité toute entière. Il est difficile de concevoir qu’un dirigeant, après avoir consulté des politologues et des philosophes de seconde zone, puisse bombarder un pays voisin et fraternel et détruire sa propre économie.

En se délectant d’un pouvoir illimité, Poutine s’est progressivement éloigné de la réalité. On pense aux quarantaines de deux semaines imposées aux simples mortels qui doivent rencontrer le président russe pour une raison ou un autre, ou aux tables gigantesques ou Poutine reçoit à la fois ses ministres et les autres chefs d’État.

Poutine a toujours été un politicien qui cherchait à équilibrer les intérêts des forces de sécurité et des oligarques. Aujourd’hui, le président est sorti de son rôle, et a entrepris un grand voyage dans la mer infinie de la sénilité. Nous sommes prêt·es à parier une bouteille du meilleur whisky que dans un futur proche, monsieur le Président pourrait subir un coup d’État venant de son cercle le plus proche.

La Russie pourrait bien se retrouver en 2023 avec un autre système de pouvoir et autre visage au Kremlin. Lesquels exactement, nous le savons pas. Mais pour l’heure, nous traversons le crépuscule avant l’aube.

Pendant ce temps, des manifestations contre la guerre ont lieu en Russie. Des anarchistes y participent à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kazan, Perm, Irkoutsk, Yekaterinburg et dans d’autres villes. En Russie, il est extrêmement difficile d’organiser des manifestations dans les rues ; cela entraîne des poursuites administratives et pénales, ainsi que de la bonne vieille violence policière. Mais les gens sortent tout de même. Des milliers de personnes ont déjà été arrêtées, mais les manifestations continuent. La Russie est contre cette guerre et contre Poutine ! Sortez – quand et où vous le souhaitez ! Faites équipe avec des ami·es et des personnes partageant les mêmes idées. Les réseaux sociaux suggèrent une action de protestation générale ce dimanche à 16 heures. Ce moment n’est pas pire qu’un autre. Vous pouvez télécharger des tracts anti-guerre à distribuer et à afficher sur notre site web et sur les réseaux sociaux !

Des tracts russes s’opposant à l’invasion, sur lesquels on peut lire « Vous payez pour la guerre de Poutine – impôts, frontières fermées, pauvreté, blocage des services, vide informationnel – non à la guerre ! » et « Non à l’invasion militaire de l’Ukraine : paix au peuple, guerre aux dirigeants. »

Pendant ce temps, les anarchistes ukrainiens participent à la défense territoriale de leurs villes. C’est bien plus difficile pour eux que pour les gens en Russie, mais il s’agit d’une seule et même défense. C’est la défense de la liberté contre la dictature, de la volonté contre la servitude, des gens ordinaires contre les présidents dérangés.

À vos moutons

Si, comme par miracle, Poutine revenait à la raison et que la guerre prenait fin, serions-nous prêt·es à « retourner à nos moutons » ? Il est probable que nous serions expulsé·es du Conseil de l’Europe. Les Russes perdraient ainsi la possibilité de s’adresser à la Cour Européenne des droits de l’homme, et bientôt le Kremlin rétablirait la peine de mort.

Pour l’heure, revenons à l’actualité, qui reste conforme à l’esprit de ces dernières années. En ce moment-même, la Douma [organe législatif de l’assemblée au pouvoir en Russie] adopte une loi selon laquelle un conscrit militaire doit se présenter lui-même au bureau d’enrôlement plutôt que d’attendre une convocation. Poutine a également récemment augmenté les salaires de la police. Et le bureau du procureur, dans un appel, a demandé de porter de cinq à neuf ans la peine d’un anarchiste de Kansk, Nikita Uvarov, condamné dans la célèbre « affaire de terrorisme Minecraft ».

Vous savez vous-même quoi faire de tout cela.

Liberté pour les peuples! Mort aux empires !


La police escorte une personne arrêtée tenant une pancarte « Je suis contre la guerre ».
  1. Plus d’informations sur cette affaire ici
  2. Eskobar était le chanteur d’un groupe de rock ukrainien appelé Bredor. Il y a longtemps, dans une interview, il a prononcé une phrase célèbre, qui est devenue un mème : “Шо то хуйня, шо это хуйня” – une façon succincte d’exprimer quelque chose comme « une situation où vous avez le choix entre deux mauvaises options, sans aucune alternative » 

La Pigeonne en danger

L’eau a été coupée depuis le 9 février 2022, mettant en péril la vie des habitant-e-s de La Pigeonne. Ce choix résulte d’une demande du propriétaire, exécutée par le service de l’eau de la ville et l’eurométropole de Strasbourg.

S’hydrater est essentiel pour le corps humain. Au-delà de 72h sans eau, il meurt. L’hygiène protège des maladies, notamment du COVID-19, dont il limite la propagation. L’accès à l’eau est vital, sa privation est mortelle.

Cette humiliation nous donne un sentiment d’injustice. Doit-on vraiment argumenter pour avoir le droit de boire ? La vérité est qu’une violence grave qui ne saurait trouver de justification s’est produite.
Pire encore, elle a eu lieu sans prévention ni dialogue de la part de celleux qui l’exercent. La sensation de soif et l’impossibilité de se laver ne sont pour lui ni un souvenir d’enfance, ni une angoisse pour l’avenir.

L’accès à l’eau est devenu un enjeu social fondamental, en pleine pandémie. Particulièrement pour les personnes vulnérables, d’autant plus susceptibles de ne pas survivre en cas de contamination.

Heureusement, grâce à notre acharnement et à la mobilisation de soutiens externes, nous avons pu faire rétablir l’eau le 14 février 2022 après 5 jours sans eau. Merci à tout-e-s !

Toutefois, le combat ne s’arrêtant pas là, nous appelons à votre soutien afin de faire face aux éventuelles futures actions violentes dirigées contre La Pigeonne. Vous pouvez nous écrire à lapigeonne[at]riseup[point]net pour être tenu-e au courant.

💥 Notre droit essentiel à l’eau bafoué par notre millionnaire de propriétaire !

[EDIT] : l’eau a été rétablie le 14 février par les services municipaux, merci pour votre mobilisation et le soutien <3 !

Depuis deux ans, nous, Pigeonnes, prenons soin de la maison qui nous a accueilli-e-s, en créant un espace pour les femmes et les personnes queers précaires, qu’on veut pérenne et solidaire, un lieu de vie et d’activité qui nous est vital. Cela nous demande énormément de temps, d’énergie et de moyens. Heureusement, nous avons du soutien !

Dès notre arrivée, nous avons envoyé un long courrier de présentation de notre projet au propriétaire, sans réponse de sa part depuis deux ans. Nous savons qu’il possède des domaines et d’autres maisons, celle-ci qu’il a abandonnée et délaissée depuis des années ne semble donc pas lui manquer.

Le 9 février 2022, à la demande du propriétaire, des techniciens du service des eaux de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg ont coupé l’eau de la maison, en laissant une simple notification sur la valve d’eau à l’extérieur. Personne n’a eu la décence de nous prévenir, de toquer à notre porte, ou même de laisser un message dans notre boîte aux lettres.

Quelles sont donc ces manœuvres ? Couper l’accès à l’eau est un acte non seulement vicieux mais illégal. Cela revient à mettre en danger la vie d’autrui, nous empêcher de boire, de nous laver, de cuisiner, d’éteindre un feu, donc de maintenir des conditions d’hygiène et de sécurité essentielles dans un contexte sanitaire compliqué, avec des personnes malades. Nous n’acceptons pas cela ! L’accès à l’eau est un droit que nous allons reprendre !

Bien que notre société soit intoxiquée par le capitalisme, nous rappelons aux services de la ville et aux privés que les riches n’ont pas tous les droits et que les services publics doivent cesser d’être complices de leurs faits illicites et inhumains et défendre réellement l’intérêt public de tou-te-s !

Nous demandons aux services de l’eau et de l’assainissement de rétablir l’eau dans le bâtiment immédiatement.

VOICI LES ACTIONS CONCRETES POUR NOUS SOUTENIR :

  • Si vous passez près du 25 rue des Pigeons, laissez de l’eau devant la porte
  • Aidez-nous à rétablir l’eau
  • Appelez le service de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg à ce numéro dès lundi 9h pour leur demander de rétablir l’eau